Alors que la crise économique continue de sévir, notamment sur les allocations budgétaires attribuées aux fonctions transverses, il semblerait qu’une nouvelle révolution soit en marche. Une révolution qui pourrait bien aller jusqu’à anéantir les réticences des financiers à investir dans les applications B2E et jusqu’à avoir la peau des derniers DSI de « l’avant internet ». Mais aussi une révolution socio-culturelle sans précédent dans l’occident du XXIème siècle. Enfin, une révolution qui modifierait en profondeur la relation entre l’entreprise et ses collaborateurs.
La révolution des applications B2E
A l’origine, un constat relativement simple : les nouveaux usages des générations Y et iPhone. Ainsi, si l’on considère que l’on acquiert son premier téléphone vers l’âge de 13 ans, ceux dont le premier mobile a été un iPhone viennent tout juste d’avoir 20 ans et donc d’entrer potentiellement dans la vie active.
Ces nouveaux cerveaux, frais et disponibles, qui ne jurent que par les écrans haute résolution et les forfaits datas illimités, sont aussi et avant tout les nouveaux employés d’aujourd’hui et de demain. Cette génération iPhone, formatée par les icônes iOS et les marchés d’applications, est ainsi en passe d’imposer de nouveaux standards de communication. Toute entreprise qui cherchera à les attirer ou à les fidéliser devra impérativement assimiler et intégrer leurs standards de communication dans leur stratégie RH.
Bien choisir ses canaux de diffusion pour s’adresser à ses collaborateurs
Tout comme il est important de s’adresser à ses prospects et clients sur les canaux de diffusion qu’ils emploient, il est vital de s’adresser à ses collaborateurs et futurs employés sur les canaux de diffusion qu’ils affectionnent. Si mon client est sur Facebook, alors je prends position sur Facebook, si mes futurs employés cherchent du travail via des applications mobiles alors mes offres d’emplois doivent être accessibles depuis ces applications mobiles, autrement dit, l’art de s’adresser à sa cible sur le bon canal en prenant compte de ses nouveaux comportements.
En corrélation avec ces nouveaux usages ; n’en déplaise aux partisans de la sacro-sainte séparation vie personnelle et vie professionnelle, un faisceau de tendances pourrait bien nous amener à entrevoir une prochaine suppression partielle voire totale de la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle. Qu’il s’agisse des nouveaux usages de la génération Y, du télétravail ou du Bring Your Own Device (BYOD), cette nouvelle génération n’est-elle pas en train de réinventer radicalement ses rapports à l’entreprise et donc ses attentes à l’égard des employeurs ?
La maison sur le lieu de travail : une réalité
Tendance propre à la génération Y, l’avènement de sujets personnels au bureau n’en est pas à son coup d’essai. En effet, une multitude d’exemples nous prouvent que toute une génération est prête à partager tout ou partie de son « lui » vers son entreprise.
Généralisation de l’accès au web sur les postes de travail, induisant inéluctablement une utilisation d’internet à des fins personnelles ; qui de la génération Y n’a jamais depuis son poste de travail effectué un achat, une réservation ou simplement jeté un coup d’œil à son réseau social préféré ? Utilisation de réseaux sociaux personnels à des fins professionnelles, présence de services de crèches ou de garderie dans certaines grandes entreprises, prise de participation par les salariés au capital de leur société.
Les faits nous prouvent que les entreprises jouent le jeu, allant même jusqu’à demander à ses candidats de diner avec les conjoints respectifs afin de mieux les connaître hors du cadre professionnel (1). Lorsque ce n’est pas le cas, ce sont les salariés eux-mêmes qui se désinhibent et amènent leurs problématiques personnelles au bureau. Par exemple avec le travail en open space, s’affirmant de plus en plus comme une norme et qui met en lumière cette capacité que peuvent avoir les salariés à partager aux oreilles et à la vue de tous les liens qu’ils entretiennent avec leurs sujets personnels tout au long de leur journée de « travail ».
Ces exemples de l’immixtion de sujets personnels au sein de l’entreprise pourraient apparaître relativement anodins et simplement contribuer au bien-être des salariés mais une nouvelle tendance plus récente est en passe de remettre en perspective l’ensemble de la relation entreprise – salariés.
L’entreprise à la maison : une nouvelle normalité
Le télétravail… si vous y prêtez attention, ce sont les organisations syndicales de salariés, elles-mêmes, qui le considérant comme une avancée sociale font entrer le loup dans la bergerie. Cheval de bataille de certains, le télétravail n’est-il pas en réalité le cheval de Troie d’une révolution déjà en ordre de marche ?
En chine, le rapport au travail est tout autre, certains salariés dorment sur leur lieu de travail, en occident on cherche à faire dormir le travail chez vous, dans le sacro-saint lieu qui abrite la famille, votre domicile personnel. On pourrait chercher à savoir qui y gagne le plus mais là n’est pas la question, avec l’avènement partiel ou total du télétravail on a déjà commencé à réinventer le rapport entre vie professionnelle et vie personnelle.
Le BYOD… ou tendance qui consiste à utiliser ses terminaux personnels pour des problématiques professionnelles. Là encore, les clivages traditionnels sont pris à revers. Alors que les salariés étaient persuadés de ne jamais être tentés d’utiliser leurs téléphones fixes ou portables pour le bien de leur employeur, ils sont pris à leur propre jeu.
La génération iPhone et les « hyperconnectés » sont les premiers à tenter un accès à leur boite email pro depuis leur Smartphone ou à chercher à disposer d’un accès à leur intranet ou extranet depuis leur tablette personnelle. Finalement, le principal rempart contre le BYOD à savoir le salarié lui-même en devient le principal moteur. Les DSI eux, s’adaptent, au fur et à mesure et plus ou moins lentement, au gré des enrichissements fulgurants des solutions informatiques de gestion à distance des terminaux mobiles.
Confusion des sphères personnelles et professionnelle : une tendance de fond ?
La confusion des sphères personnelle et professionnelle n’est-elle donc qu’un effet secondaire de la mise à disposition de nouveaux outils ? Ou s’agit-il d’une tendance de fond plus lourde qui modifie lentement et durablement la relation entre l’entreprise et ses collaborateurs, engendrant de nouvelles attentes et exigences de la part des salariés ?
Le monde tel qu’il existe aujourd’hui ne serait-il donc pas en train de disparaitre au profit d’une fusion partielle voire totale entre les deux sphères ? Fusion qui entrainerait l’apparition de nouvelles notions que l’on pourrait désormais envisager comme « Le contrat de travail 24/7 » contrat comportant une clause permettant aux employeurs de s’assurer que ses salariés reçoivent et lisent sur leur mobile l’ensemble de leurs emails 24h sur 24 et 7 jours sur 7, ou bien encore « L’investissement immobilier professionnel qui permettrait de se rendre propriétaire de sa parcelle de bureau » ou bien encore l’apparition de nouveaux enseignements dès le primaire comme « Initiation à Internet et aux terminaux tactiles » celui qui ne nait pas avec une tablette connectée à internet dans son foyer n’est-il pas porteur d’un handicap que l’école pourrait ou même devrait combler ?
Faut-il donc continuer à tenir le même discours à ses collaborateurs et futurs employés ou faut-il commencer à amorcer un changement de direction qui pourrait bien se faire avec ou sans l’assentiment des DRH ? Comme a pu l’écrire Tanguy Wuillème à l’égard du printemps arabe « Une révolution commence lorsque la population forme ses propres organes autonomes et se termine lorsqu’ils cessent d’agir » (2). En l’occurrence, ce sont des applications BlackBerry et iPhone de réseaux sociaux qui ont permis le printemps arabe. De là à ce que les employés prennent les choses en main… il n’y a qu’un pas.
Sources
(1) Céline Chaudeau « Vie privée-vie professionnelle : où poser les limites ? »
(2) Tanguy Wuillème, « Philippe CAUMIERES, Arnaud TOMES, Cornélius CASTORIADIS. Réinventer la politique après Marx »
Credits images : Pixabay et Business & Decision
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