L’acculturation dans les projets de gouvernance des données devient une priorité dans les entreprises qui veulent créer de la valeur par la data. Comment s’y prendre concrètement ? Quels sont les faux pas à éviter ? Les recommandations pour déployer votre stratégie Data ? Les réponses de notre experte Karine Devenyns, sous forme d’interview.
Parle-nous de ton métier…
Karine Devenyns : J’accompagne les entreprises dans la définition de leur stratégie Data et le déploiement de leur data governance avec une casquette complémentaire comme Data Privacy Officer externalisée.
En quelques mots, les entreprises ont conscience de l’importance de la donnée comme vecteur de transformation de leur business model, et mon rôle est de les aider à définir les priorités, les cas d’usages à développer et la feuille de route à mettre en œuvre pour y parvenir.
A ce stade, il ne s’agit pas encore de parler de solution technologique mais d’enjeux métiers comme l’efficience opérationnelle, l’intimité client, la maitrise des risques ou le développement de nouveaux services et usages à partir de données.
La gouvernance de la donnée est le cadre qui structure les activités de gestion de ces données et de leur cycle de vie au service de la stratégie data. On parle de data quality, data management, data privacy, data integration, data catalog…
Et enfin, en tant que DPO, je m’assure que l’usage des données à caractère personnel respecte les exigences règlementaires du RGPD.
Mettre en place des projets de qualité de données ou de catalogue de données, ce n’est pas faire de la gouvernance.
Karine Devenyns
Quels sont les « faux pas » que tu observes dans les entreprises sur ces sujets ?
Karine Devenyns : Il y a plusieurs aspects que j’ai pu constater et qui nécessitent des points d’attention :
1. Les projets de data governance sans stratégie data
Gouverner ses données n’est pas une fin en soi ! Comme tout projet, on a besoin de comprendre le sens, de sortir de la valeur de ce qui est produit. Si la gouvernance des données n’a pas bonne presse, c’est parce qu’il y a confusion entre les activités de gestion de données, ce que l’on appelle le data management et la gouvernance des données qui définit les responsabilités des parties prenantes, les processus et les outils.
Mettre en place des projets de qualité de données ou de catalogue de données, ce n’est pas faire de la gouvernance. Je vois régulièrement des initiatives de catalogage de données en effet tunnel, sans que cela ne délivre de valeur directe ou ne réponde à des enjeux business. Quelle est la finalité d’un catalogue de données s’il n’est pas ouvert aux utilisateurs finaux pour rechercher, accéder et exploiter les données tout comme on le ferait dans un catalogue La Redoute pour des articles ? Quelles sont les informations nécessaires pour utiliser les données ? Comment y accéder ? Qui est le responsable ? Finalement, pourquoi ai-je besoin de ces données, dans quel but ?…
La stratégie data détermine les objectifs et les résultats qui répondent à des enjeux métiers concrets. La gouvernance des données va définir les rôles, les responsabilités et les processus pour atteindre ces objectifs. Le data management va porter les activités de gestion des données au service de la stratégie data.
2. Le manque d’acculturation à 2 niveaux
Le 2ème point d’attention concerne le manque d’acculturation à 2 niveaux : du côté de la direction et du côté des équipes opérationnelles.
Cela implique un niveau de communication différent selon le public cible : les équipes opérationnelles sont impliquées mais le C-Level ne comprend pas et attend des résultats rapides. Cela tient également du fait que la gouvernance est peu visible si l’on ne mesure pas les bons indicateurs comme le gain de temps dans la correction des données, la facilitation d’accès à la donnée pour le développement de nouveaux usages IA, la satisfaction et la confiance des utilisateurs, la fluidification des processus internes, la conformité règlementaire…
Il est nécessaire de passer les bons messages aux bonnes personnes, et différencier celles qui l’utilisent et la produisent de celles qui sponsorisent. Mettre en place un plan de conduite du changement pour accompagner les nouveaux rôles et transformer l’entreprise dans son « rapport à la donnée » sera également un facilitateur.
3. Le manque de pilote
Sans sponsor, il n’y a pas de leadership et donc pas de cap à suivre. La stratégie data et la gouvernance des données ont besoin d’être incarnées par un leader. Le CDO (Chief Data Officer) doit être le pilote de la stratégie data, il gère à la fois les besoins des métiers, oriente les choix technologiques, accompagne le développement des usages et déploie la feuille de route.
Aujourd’hui, toutes les entreprises qui lancent une stratégie data n’ont pas forcément nommé de pilote à bord et force est de constater que le voyage prend plus de temps avec une direction qui n’est pas toujours aisée de suivre.
4. L’approche en mode « big bang »
L’approche en mode « big bang » sans use cases métier est souvent source d’échec. Opérer un changement de responsabilités, changer les process métiers, intégrer de nouvelles activités dans la gestion et la valorisation des données doit se faire de manière progressive. La démonstration passe par l’apport de valeur métier qui n’est pas compatible avec une approche globale qui serait trop longue et sans résultat immédiat.
5. L’approche de gouvernance de données mono tête
L’approche de gouvernance de données mono tête est en règle générale inadaptée : elle doit se faire dans une organisation équilibrée entre les directions Métier et l’IT pour être source de valeur. Les choix d’architecture et d’urbanisme doivent répondre aux enjeux métiers au risque de continuer à voir les métiers développer leurs propres outils par manque d’adéquation des choix opérés par l’IT.
Une bonne recette est de positionner le CDO de manière transverse pour répondre aux enjeux métiers avec le soutien des équipes IT.
Quelles sont tes recommandations pour déployer sa stratégie data ?
Karine Devenyns : Opter pour une approche avec un bon story telling, c’est-à-dire écrire l’histoire de la stratégie data et la raconter : la raconter jusqu’à ce qu’elle devienne une histoire connue de tous, partagée et comprise sans quoi, elle finira en légende urbaine !
Suivre la méthode des petits pas : avancer et s’autoriser à se tromper et aussi savoir reculer pour mieux avancer. La feuille de route doit montrer le cap tout en permettant de prendre des chemins de traverse et se réadapter en fonction de la météo. L’objectif est d’avancer, d’apprendre et démontrer la valeur.
La gouvernance des données et l’acculturation sont le combo gagnant pour votre stratégie data.
Karine Devenyns
Associer la mise en place des fondations de gouvernance de la donnée au service immédiat de la valeur métier : déployer la gouvernance pour servir les besoins métiers prioritaires. Cela a pour avantage de trouver facilement des alliés et des personnes motivées pour lancer les premiers chantiers et de partager les retours d’expériences et les initiatives et ainsi fédérer plus facilement.
L’acculturation à la donnée de toutes les parties prenantes : la data pour tous ! Tout le monde est producteur et consommateur, à ce titre, l’acculturation doit toucher tout le monde et pas une équipe de spécialistes.
Le dernier point, même si les premières pierres se mettront au service d’une posture défensive pour répondre à l’urgence des besoins, il est important de conserver une approche offensive pour penser innovation, nouveaux usages et nouveaux services.
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